Édito du Pr. Luc CYNOBER

Professeur de nutrition à la faculté de pharmacie de Paris et chef de Service à l'hôpital Cochin. Il fut également le président de la SFNCM, Société Francophone Nutrition Clinique et Métabolisme. Il est l'auteur du livre "Tout sur votre poids", paru en 2018 aux éditions Michel Lafon; et de "Tout sur les compléments alimentaires" paru en 2017 aux éditions Odile Jacob.

Les compléments alimentaires sont devenus un véritable fait de société et de nombreuses personnes y ont recours. En effet, à côté de ce pourquoi ils sont faits (traiter une carence réelle ou supposée), l’évolution de la législation européenne permet maintenant de les utiliser pour prévenir l’altération de facteurs impliqués dans les maladies, par exemple s’opposer à l’hypercholestérolémie qui est impliquée dans les maladies cardiovasculaires.

A côté, se sont développés des contextes d’utilisation en rapport avec le maintien d’une bonne santé : dormir mieux, courir plus vite, rester beau (belle), être moins stressé, mieux digérer¹, ...

Pour atteindre ces objectifs, il existe de nombreuses plantes contenant des actifs très intéressants, des molécules et des minéraux. Il faut en connaître les propriétés, les limites, savoir les utiliser avec discernement et ne pas hésiter à consulter un professionnel de santé qui sont de mieux en mieux formés au maniement des compléments alimentaires, cela grâce au développement de formations continues qui sont consacrées à la nutrition et qui sont d’excellente qualité.

Il faut insister sur cette notion de primum non nocere (d’abord ne pas nuire). Elle justifie la mise en place de limites de sécurité qui répondent au principe de précaution. Ces limites partent tout d’abord de la connaissance des besoins de la population. Ces derniers sont calculables dès lors que le nutriment considéré n’est pas synthétisé par l’organisme. Ce besoin suit, en général, une courbe de gauss (vous savez, cette courbe qui ressemble à une montagne vosgienne parfaitement symétrique). Celle-ci permet d’établir l’apport nutritionnel conseillé (ANC), dont la valeur arrêtée pour chaque nutriment est telle qu’elle couvre les besoins de 95 % de la population (femme enceinte, personne âgée, enfant…). Peu différents sont les apports journaliers recommandés (AJR), mais ceux-ci ne s’intéressent pas aux sous-populations. Enfin, les valeurs nutritionnelles de référence (VNR) sont fournies par l’agence européenne (EFSA).

On sait donc ainsi combien on doit consommer pour chaque nutriment mais se pose alors la question des niveaux d’apport à ne pas dépasser. Ce sont les données de la littérature scientifique qui permettent de le dire, et en particulier le NOAEL (acronyme anglais qui veut dire « niveau d’apport qui n’entraîne pas d’effet délétère »). Ce chiffre est en général corrigé car entaché d’un niveau d’incertitude. Le NOAEL corrigé est l’ULSI (limite supérieure d’apport sans danger). Mais attention : ce niveau d’apport peut être sans danger mais sans rapport avec ce qui est envisageable dans le domaine de l’alimentation de l’Homme sain ; par exemple, l’ULSI du calcium est 2500 mg/jour, ce qui reviendrait à boire 2,5 litres de lait quotidiennement ! En outre, de tels niveaux d’apport s’accompagnent d’allégations qui font du produit un médicament et non plus un complément alimentaire. On comprend donc que la dose d’un ingrédient dans un produit doit résulter d’une démarche scientifique réfléchie !

Pr Luc Cynober

Référence : Cynober L, Fricker J. Tout sur les compléments alimentaires. Editions Odile Jacob, 2017

ULSI et limites autorisées

ULSI : Upper limit of safe intake

ND : non défini

¹EFSA 2006, ²AFSSA 2007